Le 23 juin 2021, le ministre de la Justice et procureur général du Canada a déposé un projet de loi visant à combattre plus efficacement les discours et les crimes haineux, à offrir de meilleurs recours aux victimes et à tenir les personnes responsables des préjudices découlant de la haine qu’elles propagent. Le projet de loi propose de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel et d’apporter des modifications connexes à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP)
Quelles sont les modifications proposées à la LCDP?
Le projet de loi propose de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de définir un nouvel acte discriminatoire, à savoir la diffusion de discours haineux en ligne. Les modifications proposées comprennent le rétablissement d’un article 13 modifié, des améliorations au processus des plaintes en matière de discours haineux et des mesures de réparation supplémentaires pour lutter contre la communication de discours haineux.
Dans le cadre des modifications proposées, le « discours haineux » serait défini en fonction des décisions de la Cour suprême du Canada. La définition préciserait clairement ce qu’est un discours haineux et ce qu’il n’est pas. Les dispositions mettraient l’accent sur tout contenu vraiment préjudiciable, sans toutefois imposer de sanctions criminelles. Leur but serait de remédier aux actes imputables au discours haineux et de réparer les préjudices qu’il cause.
Comment le « discours haineux » serait-t-il défini dans la LCDP?
La définition mettrait l’accent sur le contenu du discours et ses effets probables, conformément aux décisions de la Cour suprême du Canada.
Le projet de loi définit un « discours haineux » comme étant le contenu d’une communication qui, sur le fondement d’un motif de distinction illicite, exprime la détestation à l’égard d’un individu ou d’un groupe d’individus, ou qui manifeste de la diffamation à leur égard.
Ces motifs sont la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l’état de personne graciée.
En outre, le discours haineux devrait être diffusé dans un contexte où il est susceptible d’inciter à la détestation ou à la diffamation d’un individu ou d’un groupe d’individus pour l’un ou l’autre des motifs de distinction illicite.
Un discours qui exprime de l’aversion ou du dédain ou encore qui discrédite, humilie, blesse ou offense ne répondrait pas à la définition de discours haineux. Cette distinction vise à refléter la nature extrémiste des discours haineux, telle qu’elle est énoncée dans les modifications proposées.
À quelles personnes les modifications proposées à la LCDP s’appliqueraient-elles et qui en seraient exclues?
Ces modifications s’appliqueraient aux communications publiques d’utilisateurs individuels sur Internet, notamment les médias sociaux, sur les sites web personnels et dans les courriels de masse. Par exemple, elles s’appliqueraient à une personne qui publie un blogue ou un message sur une plateforme de médias sociaux. Elles s’appliqueraient également aux exploitants de sites web qui publient principalement leur propre contenu mais également des commentaires d’utilisateurs et de visiteurs, notamment dans des articles dans des journaux en ligne et dans des sections contenant des commentaires des utilisateurs.
Ces modifications ne s’appliqueraient pas aux exploitants de plateformes de médias sociaux, dont le but principal est de permettre aux utilisateurs du service de communiquer avec d’autres utilisateurs du service à l’échelle interprovinciale et à l’échelle internationale sur Internet. Les exploitants de plateformes de médias sociaux feront l’objet d’une séance de mobilisation organisée par Patrimoine canadien en vue de définir une approche qui serait proposée pour réglementer les médias sociaux et le contenu préjudiciable en ligne, y compris les discours haineux.
Ces modifications ne s’appliqueraient pas non plus aux intermédiaires qui fournissent l’hébergement, la mise en cache et d’autres infrastructures techniques. Elles ne s’appliqueraient pas non plus aux fournisseurs de services de télécommunications ou aux radiodiffuseurs autorisés, qui sont réglementés par d’autres moyens, ni aux communications privées (p. ex., courriels privés et messages directs).
Qui pourrait déposer des plaintes relatives aux discours haineux auprès de la Commission canadienne des droits de la personne?
Les personnes et les groupes pourraient déposer des plaintes pour discours haineux auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Celle‑ci examinerait ensuite les plaintes pour déterminer si elles justifient un renvoi au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) aux fins de la tenue d’une audience, conformément aux procédures prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le Tribunal serait habilité à ordonner à l’intimé de cesser la communication et, dans certaines circonstances, de verser des indemnités et des pénalités.
En quoi les modifications apportées à la LCDP amélioreraient‑elles les procédures de traitement des plaintes relatives aux discours haineux?
Les améliorations suivantes seraient apportées aux procédures de traitement des plaintes déposées en vertu de la LCDP :
- L’inclusion d’une définition de « discours haineux » dans la LCDP pour permettre à la Commission d’exclure rapidement les plaintes qui ne correspondent pas à la définition.
- Le Tribunal pourrait tenir des audiences équitables et efficaces et condamner aux dépens les parties qui ont recours à la procédure de manière abusive.
- La Commission et le Tribunal disposeraient de ressources accrues pour assurer le traitement rapide des plaintes.
- Ils seraient aussi habilités à prendre des mesures tout au long de la procédure pour protéger la confidentialité des plaignants, des victimes et des témoins en cas de risque de représailles, tout en s’assurant que les audiences publiques constituent la méthode par défaut.
En quoi les modifications proposées à la LCDP influent-elles sur les droits et libertés?
Alors que nos vies se déroulent de plus en plus en ligne, on ne saurait trop insister sur l’importance de favoriser un environnement en ligne dans lequel tous les Canadiens sont en mesure de participer. Nous devons également reconnaître la possibilité que les discours haineux en ligne se traduisent en préjudices hors ligne. En bref, un environnement en ligne inclusif et efficace est de plus en plus essentiel pour préserver la capacité de tous les Canadiens de participer à tous les aspects de notre démocratie.
Le discours haineux est défini soigneusement de sorte qu’il ne concerne qu’un type d’expression extrémiste et marginale qui est susceptible de fomenter la détestation ou la diffamation. Par exemple, le fait de citer des discours haineux dans un contexte critique pour les étudier ou les réfuter ne constituerait pas un acte discriminatoire. De plus, les communications privées, comme les courriels personnels et les messages directs, seraient exclues.
Comment l’équité procédurale sera‑t‑elle assurée dans le nouveau système de traitement des plaintes?
Sous le régime de la LCDP, le plaignant et l’intimé ont la possibilité de présenter leurs points de vue à la Commission canadienne des droits de la personne. Si la plainte est renvoyée au Tribunal canadien des droits de la personne pour qu’il rende une décision, une formation indépendante entendra les arguments des deux parties avant de rendre une décision finale. La Commission et le Tribunal sont tenus d’assurer l’équité procédurale et de respecter la Charte canadienne des droits et libertés. Leurs décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale.
Une plainte pourrait-elle être déposée en vertu de la LCDP contre des plateformes de médias sociaux?
Le projet de loi permettrait de déposer des plaintes contre des utilisateurs individuels pour le contenu qu’ils affichent sur des plateformes de médias sociaux et donnerait aux personnes des recours supplémentaires afin de lutter contre les discours haineux en ligne.
Les exploitants de plateformes de médias sociaux ne pourraient faire l’objet de plaintes en vertu de la LCDP, mais ils sont au cœur de la mobilisation qui sera organisée par Patrimoine canadien en vue de définir une approche qui serait proposée pour réglementer les médias sociaux et le contenu préjudiciable en ligne, y compris les discours haineux.
Une plainte en vertu de la LCDP pourrait-elle être déposée contre les radiodiffuseurs?
Les modifications proposées ne s’appliqueraient pas aux radiodiffuseurs autorisés qui sont régis par la Loi sur la radiodiffusion. Conformément à la Loi, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est chargé de réglementer le système de radiodiffusion canadien, y compris toute personne autorisée en vertu de la Loi. Le Règlement d’application de la Loi interdit certains contenus de programmation, par exemple des propos offensants qui pourraient exposer un groupe ou une communauté à la haine.
Code criminel
Quelles sont les modifications proposées au Code criminel?
Définition de haine : Le projet de loi propose de définir le terme « haine » relativement aux deux infractions de propagande haineuse prévues à l’article 319 du Code criminel. La définition proposée est fondée sur les arrêts de la Cour suprême du Canada concernant ce que signifie la « haine » et ce qu’elle ne signifie pas.
La définition de « haine » s’appliquerait aux infractions suivantes :
- incitation à la haine contre un groupe identifiable dans un endroit public susceptible d’entraîner une violation de la paix;
- fomentation volontaire de la haine contre un groupe identifiable.
Création d’un nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public : Le projet de loi propose également de créer un nouvel engagement de ne pas troubler l’ordre public pour aider à prévenir les infractions relatives à la propagande haineuse et aux crimes haineux. Un engagement de ne pas troubler l’ordre public est une ordonnance judiciaire qui vise à prévenir la conduite criminelle en permettant à un tribunal d’imposer des conditions établies sur mesure pour empêcher qu’un crime soit commis. Une personne qui craint raisonnablement d’être la cible d’un crime haineux ou de propagande haineuse pourrait demander qu’un engagement de ne pas troubler l’ordre public soit imposé à une personne afin de dissuader cette personne de commettre le crime.
La violation de l’engagement proposé entraînerait une peine maximale de quatre ans d’emprisonnement, soit la même peine que celle imposée pour les violations d’autres types d’engagements de ne pas troubler l’ordre public. Il faudrait obtenir le consentement du procureur général compétent avant d’avoir recours à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, comme c’est le cas pour certains engagements existants.